La plateforme « Comprendre pour agir » comprend une centaine de propositions d’outils pédagogiques ayant pour mécanismes d’intervention le jeu. Pourquoi cette dynamique est-elle privilégiée alors que l’objectif principal est la sensibilisation des publics jeunes ?

Le jeu déclenche l’enthousiasme, nécessaire moteur de l’apprentissage

Les découvertes des neurosciences ces dernières années sont formelles : le développement de notre cerveau tient à l’utilisation de ce que l’on en fait. Nous sommes des êtres d’une grande plasticité. Et l’un des facteurs majeurs de ce potentiel de développement est l’enthousiasme ! Ce sentiment permet l’ouverture de la pensée dans le cadre d’un allant positif, prédisposant la personne à s’intéresser et à retenir les résultats de son expérience. Cette disposition, présente de façon évidente chez l’enfant en bas âge, a malheureusement tendance à s’effacer au fil des années. Le jeu est un des moyens de refaire appel à l’enthousiasme qui est en nous. Par ses aspects ludiques, le jeu suscite de la motivation, de l’envie à participer et ainsi à vivre une expérience pédagogique irréversible de façon active.

Le jeu, sésame de l’acquisition de connaissances et de savoir-être fondamentaux

Les outils pédagogiques sont centrés sur des objectifs d’apprentissage précis, autour desquels la mécanique de jeu est construite. Aussi, lors d’une partie, des informations concrètes sont transmises (qu’il s’agisse de chiffres, représentations, images, informations, raisonnements…) dans le but d’être comprises et assimilées par les joueurs.
Mais les apprentissages ne s’arrêtent pas là : je constate en tant qu’animatrice que le jeu permet également le développement de nombreux savoir-être. Suivant le déroulé du jeu, son format et son public cible, la pratique du jeu va permettre de :

  • travailler sa posture de coopération en équipe,
  • vivre de façon sereine le fait de gagner ou perdre,
  • développer un argumentaire et de se positionner personnellement,
  • faire face à des points de vue opposés sans agressivité,
  • etc.

Illustration par deux jeux concrets : Pic assiette et Gare à l’eau

Pic-Assiette

Le jeu Pic-Assiette s’adresse à des enfants âgées de 3 à 11 ans. Ses objectifs pédagogiques sont de savoir composer des menus variés et équilibrés et de connaitre les fruits et légumes de saison. Grâce à sa dynamique de jeu, les joueurs vont également apprendre à compter (le nombre de fourchette nécessaires pour gagner le jeu) et à adopter une stratégie pour gagner du temps auprès des autres participants. En terme de savoir-être ce jeu à destination d’un jeune public sera aidant pour apprendre à gagner et à perdre, à agir de façon rapide, ou encore à faire des choix ajustés en fonction du hasard du tirage des cartes (garder ou défausser la carte).

Ce jeu très simple d’utilisation permet à un jeune public d’aborder de façon ludique et humoristique la question de l’équilibre des repas et de la saisonnalité dans le but de lui faire acquérir des automatismes et de l’autonomie.

Gare à l’eau !

Le jeu Gare à l’eau s’adresse à un public âgé de plus de 12 ans. Ses objectifs pédagogiques sont de mettre en évidence les inégalités d’accès à l’eau potable et aux infrastructures d’assainissement dans le monde et de favoriser la compréhension des causes de ces inégalités. A la fin du jeu, les participants seront en capacité de comprendre que l’eau est un bien commun et pourront identifier le rôle des politiques publiques dans la bonne gestion de l’eau et de l’assainissement.

Grâce à sa mécanique de jeu inspirée du jeu de rôle « Loup Garou », des cartes personnages (habitants, maladies…) sont attribuées en début de partie, et des séquences de jeu « jour » et « nuit » permettent de faire avancer l’intrigue. Par ces modalités, les joueurs sont embarqués dans un univers où ils s’investissent émotionnellement, et où il leur est demandé d’argumenter, de se positionner et de voter de façon tactique.

A la fin du jeu, l’animateur organise un débriefing de l’activité pour mettre en évidence tous les éléments du jeu faisant référence à la vie réelle sur les enjeux liés à l’eau dans le but de mettre de la lumière sur les informations importantes. En terme de savoir-être, outre les capacités oratoires précitées, les joueurs vont développer leur capacité tactique ainsi que leur rapport à la compétition et à la coopération. Leur logique et leurs raisonnements seront également fortement sollicités.

Gare à l’eau est un jeu de mise en situation qui permet d’entrer par des rôles amusants dans l’univers complexe de la gestion de l’eau et des problématiques sanitaires mondiales. Il permet en plus de développer des compétences de réflexivité et d’analyse sur un sujet à enjeu à l’échelle mondiale.

L’éducateur : le facilitateur de l’aspect pédagogique des jeux

Si le jeu est un outil pédagogique très utile pour créer l’enthousiasme et aborder des sujets sérieux sans se prendre au sérieux, l’intervention de l’éducateur ou de l’animateur en assurera l’efficacité.
De mon expérience, il est important d’avoir une attention particulière à la tranche d’âge à laquelle on adresse un jeu pour être sûr qu’il correspond à leur aptitude du moment.

De plus, la mise en place de temps de médiations en amont et en aval du jeu sont vraiment des temps importants pour développer l’aspect pédagogique du jeu. En amont, j’ai l’habitude de proposer aux participants un petit temps pour nous accorder sur des règles de fonctionnement collectif qui permettront au groupe de passer un bon moment. De façon co-construite, les participants font souvent ressortir leur besoin de respect de la parole de chacun, de ne pas se couper la parole ou encore que chacun à son point de vue et que personne n’a raison.

En aval, je pratique souvent un débriefing en plusieurs étapes : je prends le temps d’interroger les participants sur leur ressenti à la fin du jeu. Puis je leur pose des questions sur leur compréhension des mécaniques du jeu, sur ce qu’ils ont compris. Je termine régulièrement en les questionnant sur leur pratique à venir sur la thématique abordée : qu’est ce qui pourrait évoluer dans leur quotidien par rapport à ce qu’ils ont appris aujourd’hui. Au final, il s’agit bien de Comprendre pour Agir !

Pour aller plus loin sur le sujet, vous pouvez également consulté l’article de nos confrères d’Iteco, « Pourquoi faire appel à des jeux pédagogiques ? »

Par Louise Ollier, chargée d’action éducative à KuriOz.